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dimanche 30 décembre 2012
Entretien avec Laporta : "Le PSG doit adopter la philosophie de Barcelone"
Architecte du grand Barça, l'ex-président Joan Laporta nous a accordé un long entretien, dans lequel il invite le PSG à dupliquer les secrets de sa réussite.
Vous avez en partie créé le Barça que l’on connait actuellement. Peut-il encore tout gagner, comme en 2008-2009 ? Et Messi gagnera-t-il un quatrième Ballon d’Or ?
Joan Laporta: Je suis fier d’avoir contribué à la création de la plus grande équipe de l’histoire. Alors, oui, ce groupe peut encore tout gagner. Les joueurs sont doués, intelligents et liés par l’amitié depuis l’adolescence. Le Ballon d’Or ? Messi peut l’avoir une quatrième fois de suite. Mais je suis très content pour Andres. Il a tout : une technique incroyable, la vision de jeu et une grande humilité.
Quand vous reprenez le club en 2003, quel le s sont vo s grandes mesures pour sortir le club de la crise ?
J. L.: Lorsque nous sommes arrivés, la situation était catastrophique. Nous avions 45 priorités, notées noir sur blanc, notamment le coach et les joueurs. Txiki Beguiristain, le directeur sportif, a décidé, avec la collaboration de Johan Cruyff, d’installer Rijkaard sur le banc, puis d’incorporer Ronaldinho. Ronnie a tout changé. Il a été un rêve pour tous les amoureux de football. La philosophie était celle de Cruyff et c’était sans doute la mesure la plus importante. Il était essentiel d’avoir une vision claire, de savoir où l’on allait. Nous avions perdu cet esprit. L’idée était de récupérer la beauté avant d’avoir les résultats.
Vous retrouvez-vous dans ce que construit le PSG, un club qui a connu des difficultés pendant des années avant un flux massif d’investissement étranger ?
J. L.: Barcelone et Paris se ressemblent. Ces villes se caractérisent pour leur amour du beau. Le PSG doit adopter la philosophie de Barcelone. Je respecte les investissements du PSG mais, à mon avis, il faut le faire avec une seule idée : le spectacle. Il faut avoir le temps, aussi. Moi, je savais que j’avais plusieurs années pour mener mon projet. Mais je savais aussi qu’avec Deco, Ronnie, Eto’o, Xavi et Iniesta, j’étais dans le vrai. Il manque à Paris une figure visible et connue dans le monde entier. Un type comme David Ginola, qui incarnait si bien l’élégance parisienne. La philosophie et l’image comme priorités. C’est ça la clé.
Que vous êtes-vous dit quand Paris a signé Ibrahimovic ?
J. L.: Que Paris avait signé un grand professionnel. Je suis bien placé pour parler d’Ibra car je l’ai signé. C’est un vainqueur. Il l’a démontré en Italie et dans tous les clubs où il est passé. Mais surtout, Ibra est un formidable buteur. A Barcelone, ce n’est pas facile de s’adapter au système. Il n’a pas eu le temps de le faire. Je reconnais que nous avons fait un pari, celui de mettre un buteur statique dans un système qui nécessite du mouvement. J’en prends l’entière responsabilité. La direction sportive avait décidé d’arrêter avec Eto’o. Nous avions trois noms : Ibra, Villa et Forlan. Je suis parti avant qu’Ibra s’en aille. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé. Moi, j’avais des bonnes relations avec lui. Sous des aspects très durs, c’est quelqu’un de très sympa. Il m’avait expliqué la signification de chacun de ses tatouages. Et ça avait pris du temps hein ! (rires) Bon, c’est vrai qu’il est un peu caractériel, mais c’est une vraie star. Il est en lutte permanente pour remplir les objectifs qu’il s’est fixé. S’il a accepté Paris, c’est qu’il sentait que cette équipe allait l’amener loin.
Avez-vous eu vraiment l’intention d’engager Jose Mourinho à la place de Pep Guardiola en 2008 ?
J. L.: Très tôt, j’ai eu la conviction que Guardiola serait mon entraîneur. Mais au sein du conseil d’administration, certains pensaient à Mourinho. J’avais la majorité et j’ai appelé son agent Jorge Mendes pour lui annoncer que Pep était l’élu. Les évènements m’ont donné raison, même si personne ne s’attendait à un tel succès. Mais je tiens à dire que Mourinho est un travailleur acharné. Il a gagné partout où il a entraîné. Nous devons respecter cela. Il a un énorme caractère et il a une qualité qu’ont les grands : il prend toute la pression sur lui. Il peut entraîner partout.
Mourinho ou Guardiola : lequel des deux s’adapterait le mieux à la France, leur nom ayant circulé…
J. L.: C’est une question à leur poser. Mourinho peut entraîner partout, Pep aussi. Paris, car j’imagine que vous parlez du PSG, a beaucoup de côtés attractifs.
On parle aussi de l’intérêt de Paris pour Ronaldo. Les trois ensemble, c’est possible ?
J. L.: (Longue réflexion) Cela pourrait marcher, mais ça dépendrait du président, de sa personnalité, de son autorité, de son pouvoir. Le respect, cela se gagne. Xavi, Messi et Iniesta sont les meilleurs pour moi, mais après, ces joueurs font partie du top 10. Zlatan avec Cristiano, cela pourrait faire des étincelles. Si un club peut se le permettre pourquoi pas. Mais encore une fois, l’autorité de l’entraîneur et surtout celle du président doivent être au-dessus de tout. On ne doit pas sentir la moindre divergence. Le discours doit être le même : gagner et plaire.
Vous n’avez jamais pensé à prendre Benzema au Barça ?
J. L.: Nous avons pensé à la faire venir à l’été 2008. Mais selon le directeur sportif, il n’était pas assez mature. Benzema avait une qualité technique phénoménale, il était titulaire à Lyon, un grand club. J’ai vraiment pensé à le signer. J’avais même appelé son agent. Mais le but était : on attend deux ans et on voit. Quand il a signé au Real Madrid, on s’est dit : ‘mon Dieu, ils l’ont eu avant. On va souffrir !’ A cette époque, on voulait quelqu’un de vraiment confirmé. Il fallait aussi trouver un point de chute à Eto’o, qui ne voulait qu’un club de Ligue des champions. Pour limiter l’investissement, il fallait une sorte d’échange. Or, seul l’Inter réunissait toutes les conditions. D’où Ibrahimovic, qui était le premier choix.
Vous êtes aussi le président barcelonais qui a signé le plus de Français…
J. L.: J’ai fait venir Abidal, Thuram, Giuly et Thierry Henry. Peut-être que Titi est venu une année trop tard, mais nous avons gagné la C1 avec lui, donc… En tout cas, il s’est toujours comporté en gentleman. Nous aurions même pu en avoir un autre : Franck Ribéry. J’avais parlé avec mon grand ami Karl Heinz (Rummenigge), mais le Bayern ne voulait pas le vendre. Abidal, lui, a été l’une de mes grandes réussites. Il rejouera, c’est sûr. Pour moi, Abidal a été la clé de la défense car il est rapide, puissant, et il a un don pour couper les passes. Dans notre système, il était vital. L’image où il soulève la Coupe d’Europe avec le brassard de capitaine est la plus belle que j’ai vue dans le football. C’était la démonstration que le Barça est plus qu’un club.
Vous pourriez être président dans un autre club que Barcelone ?
J. L.: Ce serait très dur. J’ai le Barça dans le sang. Mais en tant que professionnel, pourquoi pas. Je suis avocat, je peux donner des conseils ou mon avis à n’importe quel club… même en France hein! (clin d’œil, ndlr)
Pourquoi souhaitez-vous l’indépendance de la Catalogne ?
J. L.: Nous voulons l’indépendance pour notre dignité nationale. Nous en avons besoin pour défendre notre culture, notre langue et notre économie. Si nous parvenons à l’indépendance, ce sera très bon pour la Catalogne. A moyen terme, ce sera bon pour l’Espagne. Et bien sûr, ce sera bon pour l’Europe. Nous sommes au début de quelque chose de grand. Si nous voulons profiter des immenses ressources que génère la Catalogne à nos concitoyens, notre pays doit être indépendant.
Vous retrouvez-vous dans les déclarations du maire de Barcelone qui avait déclaré : ‘ Le Barça dans le championnat de France est une possibilité ’ ?
J. L.: Si l’on se pose cette question, c’est que nous serons indépendants et j’en serai très heureux ! Pour le Barça, il y aura beaucoup d’options. La Liga ? Un championnat de Catalogne ? Une ligue ibérique ? La France ? Tout est possible. Sinon, la redistribution des droits TV permettra d’augmenter le budget des clubs catalans et nous aurons une forte compétition interne avec Girona, Sabadell, l’Espanyol... La question du sport et du Barça est importante mais pas primordiale. D’abord, il faut l’indépendance : c’est le plus urgent.
Et revenir un jour à la tête du Barça, vous y pensez forcément non ?
J. L.: Je suis en train de réfléchir. Il y a des choses qui ne me plaisent pas dans la direction actuelle comme le sponsoring, les portes ouvertes au Qatar… Heureusement, ils ont gardé le modèle que nous avions mis en place. Je verrai. Les élections ne sont qu’en 2016. Je me porterai candidat ou non six mois avant.
(SOURCE : EUROSPORT.FR)
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